Sur les pas de l’Abbé
Si l’Abbé hébété obéit aux Déesses, le gibet élevé pour l’Athée peut casser sous le joug des idées héritées d’un cadet trop âgé pour céder …
Des lettres en veux-tu en voilà, un peu comme à Rennes-le-Château, des lettres surnuméraires, penchées, décalées ou pour certaines effacées à grands coups de ciseau ou de burin dans un cimetière et ailleurs, sans oublier le cortège des parchemins disparus puis miraculeusement réapparus, des cryptogrammes alambiqués ou tronqués, des profanations nocturnes, des généalogies obscures, des cromlechs incertains, des étymologies douteuses ou burlesques, des toponymes évocateurs, des histoires rocambolesques ou macabres, des raccourcis mérovingiens et wisigothiques, des dérives templières, cathares, verniennes ou lupiniennes, d’une géographie sacrée ( sur fond d’azimuts savants et de Méridien de Paris ), d’une descendance taboue, bref, toute une ambiance envoûtante qui aura su alimenter à partir d’un simple article la quête d’un trésor dont une littérature internationale s’est ensuite emparée à des fins lucratives, ajoutant toujours plus d’ombres dans la nuit des Temps qui baigne ce minuscule village du Razès.
Mais en cette saison automnale, point de touriste érudit, ni d’intermittent du spectacle déguisé en curé ou en sacristain sortant de l’église affublé d’un chaudron rempli de pacotille dorée, de guide rabatteur, de savant infatué ou de gourou en herbe folle, juste le silence et le soleil rasant d’une journée monotone sur fond azuréen d’orange végétal et de gris empierré, le calme en prime …
Ainsi, avec Princesse, à partir de notre tanière audoise, nous nous sommes juste offerts de paisibles promenades en emboîtant les pas de l’Abbé Saunière, ce prêtre sulfureux aux effluves aurifères et apostatiques, susceptible d’avoir découvert dans les entrailles du sous-sol rennain un trésor maudit gardé par le Diable, Asmodée, Satan, Belzébuth ou Lucifer, c’est selon la façon dont la lettre est rédigée ou selon la personnalité du facteur qui vous l’apporte …
Belles et agréables flâneries dans cette contrée sauvage et pittoresque au milieu des puechs, des causses arides et marneux recouverts de garrigues, de ronces et de chênes pubescents dissimulant un sol karstique perclus de cavités tortueuses et complexes, sol sur lequel Princesse, malgré le Cers ( vent languedocien ) volant, accomplira un périple pédestre talentueux de plusieurs kilomètres après un détour sur Espéraza où s’y trouvaient disséminés une multitude d’étals hétéroclites mêlant produits régionaux et internationaux, vide-greniers et marchés aux puces, pour certaines en provenance directe de Katmandou ou de Woodstock …
Balades également sur quelques sites emblématiques de l’Histoire Mystérieuse de la contrée tel le minuscule village perché de Coustaussa ( et son étrange meurtre non élucidé de l’Abbé Gélis ) où des chasseurs s’y trouvaient affairés au dépècement de plusieurs sangliers, le tombeau des Pontils, monument funéraire du XXème siècle aujourd’hui dynamité et qui avait pour particularité de ressembler fidèlement ainsi que son paysage alentour au tableau initiatique d’un peintre ésotérique du XVIIème, la métairie de la Mort ( sans commentaire - maintenant sous vidéosurveillance ), l’église alchimique de Brenac ou encore l’Ombilic Géographique d’un triangle mystique suggestionné jadis par un film très modeste, rarement diffusé et d’ailleurs passé totalement inaperçu …
Princesse, parfois très sceptique sur les buts de nos déambulations, parcourra quand même sans « broncher » ( à part une fois peut-être et encore, ma mémoire est défaillante ) cette terre austère veinée de mystère où chaque pierre se peut d’être un cachet cachant le sceau d’un secret que véhicule discrètement la nuit le vent qui souffle et s’insinue jusque sous les racines des buis les plus reculés ...
Un grand merci enfin à nos hôtes, à leur gentillesse, leur disponibilité sans oublier leur buffet à volonté et leur petit-déjeuner offert …
A une prochaine …