Le lac du signe
Niché dans son écrin de verdure aux alentours immédiats de l'illustre cité mariale, le lac de Lourdes, interlude récréatif de nombreux touristes et de quelques pèlerins, déroule mollement chaque été son drap d'azur comme pour mieux y dissimuler la malédiction qui pèse pourtant en ce lieu mirifique.
Car personne ne saurait soupçonner que cet endroit est pourtant damné depuis la nuit des temps, temps obscurs où les autochtones de l'antique Lourdes, perclus d'égoïsme et de vanité, vivaient ainsi reclus sur eux-mêmes en ce site luxuriant et prolifique.
Jusqu'à ce jour où le Divin décida d'éprouver l'épaisseur de leur ignominie en se grimant tel un pauvre pour mendier et vérifier par cet artifice l'état de décrépitude morale de ces villageois.
Maintes fois refoulé, insulté, conspué, il trouva toutefois refuge dans une piètre masure occupée par trois loqueteuses qui, affairées devant un petit four délabré, lui offrirent cependant une conséquente partie de leur pitance. Rassasié mais ému, le Divin leur révéla alors et son identité et son intention d'immerger sous des eaux profondes cette cité impure.
Par la même occasion, il offrit aux trois femmes l'opportunité de sauver leurs carcasses sous la condition de ne jamais se retourner pendant l'engloutissement.
Ce à quoi faillit l'une d'entre elles qui se retrouva sur le champ pétrifiée et transformée fatalement en une pierre inclinée, cette fameuse « Peyre Crabère » que l'on peut toujours apercevoir en bordure de l'axe menant vers Poueyferré.
Maintenant, parfois, un certain jour de novembre, lorsque les eaux se sont suffisamment abaissées, on se peut d'entendre au crépuscule le glas des cloches submergées de l'ancien clocher qui commémore à sa manière l'anniversaire du châtiment.
Quant à la « Peyre Crabère », son inclination n'en finit pas de désigner un endroit bien particulier, une sorte de reliquat de ce qu'il n'aurait pas fallu voir ...