Cross en Causse
Non loin de la source de l'Aveyron, depuis un charmant village de caractère ( comme spécifié sur les dépliants des syndicats d'initiative ) surplombé par un château médiéval conquis encore par le Sieur Montfort, le bourreau de l'Occitanie, nous nous sommes immergés dans le Néant absolu, une contrée intersidérale où la distanciation sociale s'étalonne en parsec, où le sol n'est éclairé que par les années-lumière et où la végétation est aussi riche que le fond de poche d'un contribuable français …
En ces terres, le dernier qui a porté un masque fut vraisemblablement un médecin bec qui luttait en 1367 contre la peste noire et le mettre à nouveau raviverait donc de lugubres souvenirs qui se pourraient de compromettre l'intégrité physique du «nostalgique», lequel risquerait de finir malencontreusement ensuite dans un aven de la région …
Le printemps ou l'été amène ensuite à croiser parfois le sillage religieux de quelques goumiers, ces pèlerins intermittents, apôtres du dépouillement et de la frugalité, identifiables de par leur djellaba rayée de brun et de blanc et ayant trouvé en ces lieux reculés le ferment indispensable à leur élévation spirituelle.
Au milieu de nulle part, dans cette Mongolie hexagonale, évoluent également quelques chevaux de Przewalski, une sous-espèce équine jamais domestiquée et dont la morphologie évoque étrangement certaines peintures rupestres de quelques grottes périgourdines.
Puis, petite bifurcation par la croix monumentale du Buffre, borne « géomnésique » sur le chemin anagogique de Saint-Guilhem le Désert dont l'un des zélateurs nous a accompagnés sans rechigner alors que ce lieu saint venait d'être quelques temps auparavant le théâtre d'une débauche électronique et onirique.
Il est enfin conseillé, sur ces terres frustes et infertiles où même le cactus a rendu sans broncher ses épines, d'éviter de consommer du café à moins évidemment de posséder l’œsophage d'un avaleur de sabre et l'estomac d'une bétonnière …
D'ailleurs et afin de calmer une acescence récurrente, nous nous sommes enfin transportés cahin-caha en urgence médicale ( pronostic vital engagé d'office ) sur une auberge centenaire typique tenue par un chef étoilé qui nous a heureusement délivré trois ordonnances gastriques salvatrices. Que le brave homme en soit au passage remercié …